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8 décembre 2022
admin
Entre mythes et préhistoire
La chronologie de l'occupation humaine des îles Loyauté reste encore mal connue comparée à celle de la Grande Terre.La Province des îles Loyauté a initié depuis les années 1990 un premier inventaire des sites anciens des quatre grandes îles, avec plusieurs campagnes de fouilles archéologiques, mais il reste encore beaucoup à découvrir.
Sites Lapita
La culture Lapita est une culture archéologique ancienne d’Océanie, établie dans tout l’océan Pacifique ouest vers le premier millénaire av. J.-C et connue notamment pour ses décors de poterie originaux. Il est probable que les premières migrations Lapita en Nouvelle-Calédonie aient concerné les îles Loyauté, depuis le Vanuatu voisin.
Huit sites Lapita, dont cinq majeurs, ont été identifiés à ce jour aux îles Loyauté, tous situés en bord de mer à proximité de sources d’eau douce et de passes dans le récif :
– À Maré, le long de la plage de Patho-Kurin
– À Lifou, à Hnaeu (côte sud-est) et à Keny (côte nord-est, au niveau de la tribu de Hnathalo)
– À Ouvéa, au sud de la tribu de Wadrilla
– À Tiga, à Namara au pied du plateau corallien surélevé


Hnakudotit à Maré
Dans la langue de Maré, le nengone, on l’appelle « là où l’on a buté les roches ». Il s’agit d’une structure de type monumental, faite à partir de blocs de corail, dont la construction remonte à deux mille ans. Ce site, du nom de « Hnakudotit », est un quadrilatère non fermé aux dimensions imposantes. Les murs de cette structure, haute d’environ 4 mètres, sont d’une épaisseur moyenne de 10 mètres. L’ensemble du site, qui se compose d’un grand mur en forme de U et de deux prolongations en forme de L, fait 180 mètres de long sur 145 mètres de large.
Situé près de La Roche, Hnakudotit est le fruit d’un chantier qui a dû être très organisé. À proximité de l’actuel centre culturel Yeiwéné Yeiwéné, le marcheur pourra ainsi apercevoir des sentiers qui ont servi à l’acheminement des blocs coralliens, dont certains pesaient jusqu’à plusieurs tonnes. La disposition de ces murs obéit également à une architecture interne. Les plus importants blocs de corail sont disposés sur les faces internes des quatre portes de l’édifice. De la même manière, on peut apercevoir des pierres de grosse taille sur les murs extérieurs. La grandeur de ces blocs à ces endroits peut être interprétée comme une marque de prestige, destinée à impressionner le nouvel arrivant.
Jusqu’au début des années 1990, le site n’avait fait l’objet d’aucune réhabilitation. Les blocs de pierre s’écroulaient, la végétation gagnait du terrain et les champs cultivés fleurissaient à l’intérieur de l’enceinte. En 1993 et 1994, le département archéologie de Nouvelle-Calédonie a mené ses premières études et a rénové partiellement cette structure monumentale. Les archéologues ont retrouvé des restes de squelettes humains, des tessons de poteries et des déchets de coquillages. La datation de certains vestiges coquilliers a permis de remonter l’histoire jusqu’à la fin du premier millénaire avant J.-C. D’après le résultat des fouilles, cette construction monumentale devait avoir un rôle défensif dans cette plaine où il n’existait aucun abri naturel. En plus des murs fortifiés, les archéologues ont mis au jour un fossé d’une douzaine de mètres de large placé tout le long de la partie ouverte du quadrilatère.
Science et histoire rejoignent ainsi la tradition orale. À Maré, au moins deux récits expliquent que ces murs de pierre servaient de refuges de guerre. Ils auraient été créés par des génies qui se seraient livrés à un concours. Les esprits de la Roche l’auraient emporté face à leurs adversaires. La construction de Hnakudotit est en effet, dans la réalité, plus imposante que « Waninetit » ou « le mur de la main droite ». Cette construction voisine comprend, elle, deux enclos dont les murs sont moins hauts et moins épais.



Falaises de Jokin à Lifou
En dehors de Maré et de ses constructions monumentales, le patrimoine archéologique aux Loyauté ne s’offre pas facilement au touriste. Il suffit pourtant d’un autre regard sur ces îles pour déceler la présence de l’histoire. Dans des abris de plateaux coralliens surélevés, il est possible de trouver d’anciennes sépultures, comme sur les falaises de Jokin à Lifou. Les grottes dans la falaise qui fait face au point de vue, appelée en langue Drehu « Lue qene hnafij » ou en français « les deux narines » en raison de sa forme qui s’apparente à un nez, faisaient office de sépulture réservée aux chefs de la tribu. Les dépouilles mortuaires étaient disposées sur un radeau ou à l’intérieur de la coque d’une pirogue. Toujours présents, les ossements y sont encore préservés et sont de nos jours, les incontournables gardiens de ce lieu magnifique et magique.
Les grottes aux Loyauté sont des lieux importants de l’archéologie. Très fréquentées dans les temps anciens, peut-être pour des rites initiatiques, elles recèlent des traces datant de la préhistoire. C’est le cas de la grotte de Wanaham, à Lifou. Dans cette cavité, qui occupe une place importante dans la tradition orale, on a trouvé des traces de présence humaine remontant à 700 ans avant J.-C. Deux salles regorgent de dessins réalisés avec du corail de couleur orange et du charbon. Les parois sont ornées de plus de deux cents mains, sans compter la représentation de poissons, de tortues et d’oiseaux. Des gravures aux motifs d’étoiles et aux formes géométriques ont également été relevées dans cette grotte de Wanaham, située juste en dessous de la seule piste d’atterrissage de Lifou.